Un jugement récemment rendu par la Cour Supérieure[1] nous rappelle qu’au Québec, il n’existe aucune distinction légale à proprement dit entre un bail de type net, double net ou triple net.
Pour le non-initié, les baux commerciaux sont communément répartis en deux catégories, soit les baux de type brut et ceux de type net. Un bail commercial brut en est un où le locataire paie simplement un montant forfaitaire en guise de loyer, ce qui inclus ou non certains services. Le loyer du bail net est quant à lui composé d’un montant de base auquel est ajouté un loyer additionnel transférant vers le locataire la responsabilité de certains coûts normalement encourues par le propriétaire des lieux, comme les taxes foncières, l’assurance, ainsi que les coûts liés à l’administration et l’entretien.
Dans le domaine de l’immobilier, il est fréquent de faire allusion à des baux simplement net, double net (net net) ou même triple net (net net net), le but étant de décrire le degré de responsabilité du locataire quant aux coûts susmentionnés. Ceci dit, ces termes ne sont soumis à aucune définition universellement acceptée. La Cour d’appel du Québec, en 2001, a rendu une décision déterminant que « Même lorsqu’il s’agit de baux dits « net, net net ou net net net », les dépenses imputables aux locataires peuvent varier d’un bail à l’autre, d’où l’importance d’une clause claire »[2].
Déterminer quelles dépenses sont imputables au locateur et lesquelles le sont au locataire fait fréquemment l’objet de mésententes et peut engendrer des litiges.
Dans l’affaire 9210-8638 Québec inc c. 9211-0543 Québec inc. susmentionnée, les parties avait pris part à un « bail net net » et le locateur souhaitait faire assumer par le locataire sa part proportionnelle des frais de rénovations des lieux loués (une station à essence).
Dans sa décision, la Juge Johanne Mainville a affirmé qu’ « au Québec, les appellations « net », « net net » et « net net net » ne répondent à aucune définition juridique et « sont dépourvue de valeur juridique »[3].
En effet, celle-ci, dans son analyse, explique que « la seule manière de déterminer « la façon dont les risques et les frais d’exploitation D’un immeuble ont été répartis entre les parties est de lire et d’analyser toutes les conditions d’un bail »[4].
Pour quiconque envisage la possibilité d’intervenir à un bail commercial (et à vrai dire, à tout type de contrat), ceci est un important rappel. L’utilisation de termes techniques utilisés couramment dans un domaine ou une industrie spécifiques devrait être réservée aux seuls cas où leur signification ne présente aucune ambiguïté pour l’ensemble des parties.
Pour toute question au sujet de la location immobilière commerciale, n’hésitez pas à contacter l’auteur, Michael Schacter, ou tout autre membre de notre équipe de droit immobilier.
[1] 2019 QCCS 5073
[2] Skyle Hldings inc. c. Scarves and Allied Arts Inc., 2000 CanLII 9274 (QC CA), par. 27.
[3] Id., note 1, par. 33 (reference omis).
[4] Id., note 1, par. 34 (reference omis).